La culture de la malveillance : Comprendre et déconstruire un système qui détruit les liens
- mylenemartinhypno
- 2 juin
- 10 min de lecture
« Sois moins gentil, sinon tu vas te faire avoir. »Combien de fois avons-nous entendu cette phrase, soufflée dès l’enfance comme une leçon de survie, presque un avertissement ? Dans une société qui prône la bienveillance en façade mais valorise, dans ses mécanismes cachés, l’égoïsme, la ruse et la compétition féroce, il devient difficile d’être simplement… humain. La gentillesse, pourtant, n’est pas une faiblesse.
Mais elle est souvent perçue comme telle : on nous apprend à nous méfier, à ne pas trop donner, à ne pas trop faire confiance, comme si la bonté était un luxe ou un piège.Dans cette course effrénée qu’est devenue la vie moderne – où le temps semble filer à toute vitesse et où chaque minute est comptée – la patience disparaît, l’empathie se réduit, et l’agressivité devient presque un réflexe social.
Mais pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Et surtout, comment pouvons-nous, en tant qu’individus sensibles, refuser de nous laisser engloutir par cette vague de dureté tout en protégeant notre bienveillance ?
Dans cet article, je vous propose de plonger ensemble dans cette réflexion : comprendre les racines de cette culture de la malveillance, explorer son impact sur nos âmes, et esquisser des pistes pour résister à cette dureté systémique sans renier notre humanité.
Parce qu’être gentil, dans un monde qui récompense la brutalité, c’est un acte de courage.

Une société qui cultive la dureté
Le conditionnement dès l’enfance : "Sois moins gentil, sinon on va t’écraser"
Dès l’enfance, nous sommes exposés à un paradoxe subtil mais puissant : on nous enseigne à partager nos jouets, à aider nos camarades, à dire "s’il te plaît" et "merci", mais très vite, des phrases comme des coups de couteau viennent nuancer ce message : "Fais attention, les autres peuvent en profiter.", "Ne sois pas trop gentil, tu risques de te faire avoir.", "Le monde est dur, il faut que tu te protèges."Ces paroles, répétées à l’école, dans la famille, dans les médias, s’insinuent en nous comme un poison discret. Elles nous apprennent à douter de la gentillesse, à la percevoir comme une faille, une faiblesse, quelque chose qu’il faut surveiller, limiter, presque cacher.
La société, dans son ensemble, semble préférer les "débrouillards", les "malins", ceux qui savent manipuler le système pour en tirer avantage, ceux qui s’expriment fort, qui imposent leurs idées, qui n’ont pas peur de marcher sur les autres pour avancer. Ceux-là sont vus comme des modèles, des "leaders", des "gagnants".
Pendant ce temps, ceux qui choisissent de rester profondément gentils, sincères, et transparents… se retrouvent souvent marginalisés, incompris, voire moqués. Leur gentillesse est perçue comme de la naïveté, et dans un monde qui encourage la compétition, c’est presque une tare.Ainsi, dès le plus jeune âge, nous intégrons ce message insidieux : "Pour survivre, il ne faut pas être trop gentil."
Et petit à petit, l’idée que la bonté est une faiblesse s’enracine.
Le modèle de réussite : plus on est dur, plus on monte
Dans ce monde régi par la course à la performance, un étrange renversement des valeurs s’est opéré : l’empathie et la gentillesse sont reléguées au rang de fardeaux, tandis que la dureté, l’ambition froide et l’égoïsme sont érigés en qualités incontournables pour "réussir".Regarde autour de toi : dans l’entreprise, dans le monde politique, dans les grandes sphères de pouvoir, qui applaudit-on ? Ceux qui savent s’imposer, qui parlent fort, qui négocient sans scrupules, qui écrasent leurs concurrents sans remords. Ceux qui "savent jouer le jeu".À force de glorifier ces comportements, la société a façonné un modèle implicite : si tu veux t’en sortir, il faut être plus fort que les autres, plus rapide, plus rusé. La compassion devient une distraction. la sensibilité un handicap, et la bienveillance une faiblesse qu’on peut exploiter.
Cette logique perverse, c’est celle du machiavélisme ordinaire : ne pas hésiter à mentir, tricher, manipuler… pour atteindre ses objectifs, car au fond, ce qui compte ce n’est pas comment tu gagnes, c’est seulement que tu gagnes. Et dans ce jeu, ceux qui restent sincères, qui ne savent pas manipuler, qui ne veulent pas "jouer des coudes", sont souvent laissés de côté, méprisés, ou perçus comme des rêveurs.
Le pire, c’est que ce modèle de réussite est insidieux : il se glisse dans les conseils des mentors, dans les formations au leadership, dans les slogans des entreprises – "Il faut savoir se vendre", "Ose tout pour aller plus haut", "Ne sois pas trop sensible".Il crée une société où la fin justifie les moyens, où l’on récompense l’ambition froide plutôt que l’intégrité.
Mais à quel prix ?À force de valoriser ces comportements, on cultive une génération de personnes désensibilisées, qui finissent par croire que pour avancer, il faut forcément écraser les autres. Au fond, on perd quelque chose d’essentiel : la capacité d’être profondément humain.
La vitesse et le stress comme accélérateurs de la malveillance
Dans notre société, tout va trop vite. Nous vivons dans une ère où le temps semble filer comme du sable entre les doigts, où chaque seconde est comptée, où l’on court après des deadlines, des résultats, des objectifs qui se multiplient sans fin. Cette illusion de manquer de temps – ce "je n’ai pas le temps", devenu presque un mantra – crée un terreau fertile pour la méchanceté ordinaire.
Quand on est pressé, stressé, surchargé, l’empathie devient un luxe qu’on s’accorde rarement.Dans les files d’attente, les gens s’agacent pour quelques minutes perdues. Dans la rue, un simple retard peut déclencher des cris ou des insultes. Sur les réseaux sociaux, les échanges deviennent vite hargneux, car il faut réagir vite, donner son avis, souvent sans réfléchir ni peser ses mots.
Cette accélération permanente désincarne les relations humaines. Elle nous transforme en machines de production focalisées sur l’efficacité, la rentabilité, la performance – et dans cette logique, il n’y a plus de place pour la patience, ni pour la gentillesse.
Attendre devient insupportable, prendre le temps de réfléchir, de comprendre l’autre, de faire preuve de bienveillance...un luxe qu’on s’estime ne pas pouvoir se permettre.
Et pourtant, c’est une illusion terrible. Car en croyant gagner du temps, nous perdons l’essentiel : la qualité de nos interactions, la profondeur de nos liens, et notre propre sérénité.
C’est un cercle vicieux : plus on va vite plus on est stressé, plus on est stressé plus on devient dur, impatient, agressif. Plus on est agressif, plus on participe à nourrir cette culture toxique, où chacun se méfie de l’autre et avance le front baissé, prêt à mordre pour se défendre d’une menace qui n’existe peut-être même pas.
Dans ce monde qui court à toute allure, la vraie révolution serait peut-être… d’apprendre à ralentir.
L’impact sur les individus : blessures invisibles et pertes humaines
Ce que la culture de la dureté détruit en nous
À force de vivre dans un monde où l’on valorise la dureté, quelque chose de précieux s’étiole en nous. Nous commençons par nous méfier des autres, puis, peu à peu, nous finissons par nous méfier de nous-mêmes.
Car quand on te répète, encore et encore, que la gentillesse est une faiblesse, que l’empathie est un piège, et que pour survivre il faut être froid, rapide et stratège, tu finis par étouffer tes élans sincères, par étouffer tes émotions, et par porter un masque de protection qui te déshumanise peu à peu.
Ce climat de dureté laisse derrière lui des blessures invisibles mais profondes :– La perte de confiance : comment se sentir en sécurité dans un monde où chacun est perçu comme un concurrent potentiel ?– Le repli sur soi : puisque les autres sont potentiellement des menaces, mieux vaut ne pas trop s’ouvrir, ne pas trop se montrer.– L’anxiété latente : toujours sur le qui-vive, toujours prêt à "se défendre", même quand il n’y a pas d’attaque réelle.– L’oubli de l’essentiel : ce qui nous nourrit réellement, ce ne sont pas les performances ou les réussites éclatantes, mais les liens profonds, la tendresse, les regards sincères, les moments partagés dans la paix.
Cette culture de la dureté, insidieusement, nous déconnecte de notre nature humaine. Elle fait de nous des coquilles vides qui avancent, certes, mais à quel prix ?
Gentillesse et sensibilité : forces ou faiblesses ?
Alors, est-ce que cela signifie qu’il ne faut plus être gentil ? Faut-il devenir dur pour ne pas être écrasé ?Non. Absolument pas.
La gentillesse n’est pas une faiblesse. La sensibilité n’est pas un handicap. Ce sont des forces profondes, des qualités qui demandent un courage immense dans un monde qui les méprise.
Être gentil, ce n’est pas être naïf. Ce n’est pas accepter tout et n’importe quoi, ni se laisser manipuler. C’est choisir consciemment d’agir avec bienveillance, même quand c’est difficile. C’est être capable de dire non fermement, tout en restant respectueux. C’est savoir poser des limites saines, sans tomber dans la dureté gratuite.
La vraie gentillesse est lucide. Elle voit le monde tel qu’il est, avec ses injustices, ses trahisons, ses douleurs… mais elle refuse de s’y laisser engloutir. Elle choisit, encore et encore, d’agir avec cœur.
Et ça, c’est une forme de puissance douce, une force qui ne fait pas de bruit mais qui transforme profondément.
Ce sont les personnes sincèrement gentilles, celles qui restent droites dans leurs valeurs malgré les tempêtes, qui finissent par inspirer, par toucher, et par changer leur petit coin du monde.
Comment résister et rester fidèle à soi-même ?

Cultiver la bienveillance sans être une proie
Rester bienveillant dans un monde qui valorise la dureté ne signifie pas s’oublier ni se sacrifier.Au contraire, c’est apprendre à protéger sa sensibilité tout en restant ouvert, à poser des limites sans devenir agressif, à dire non sans culpabiliser.
Trop souvent, la gentillesse est associée à une forme de naïveté ou de soumission. Mais la vraie bienveillance, celle qui a de la force, c’est celle qui sait s’ancrer, s’affirmer et tracer des frontières claires.Être gentil ne veut pas dire tout accepter. Cela veut dire choisir délibérément de ne pas répondre à la violence par la violence, tout en défendant ce qui est juste.
Par exemple, dans une situation tendue, tu peux répondre avec un calme ferme : "Je comprends ton point de vue, mais je ne suis pas d’accord, et je ne laisserai pas cela m’atteindre."Ou encore, face à quelqu’un qui profite de ta gentillesse, tu peux dire : "Je veux bien aider, mais je ne peux pas le faire au détriment de mon propre équilibre."Ces phrases simples sont des actes de protection qui n’annulent pas ta bienveillance, elles la rendent plus forte, plus ancrée, plus lucide.
Être bienveillant, ce n’est pas être une proie, c’est être un rocher doux mais solide, qui ne se laisse pas emporter par la tempête.
Ralentir pour mieux vivre : reprendre le contrôle du temps
Dans cette société qui court à perdre haleine, ralentir est un acte de rébellion, un souffle de liberté.Prendre le temps d’attendre dans une file d’attente, sans s’énerver, c’est un acte de résistance. Observer les gens autour de soi, sourire à un inconnu, laisser passer quelqu’un devant soi… c’est redonner de l’humanité à des instants qui sont devenus des zones de tension.
On a tellement été conditionnés à croire que chaque minute doit être "productive" qu’on a oublié que le temps est avant tout un espace à vivre, pas un obstacle à surmonter. Ralentir, ce n’est pas perdre du temps, c’est reprendre le pouvoir sur sa vie.
Cela peut passer par de petites habitudes :
S’accorder des pauses sans objectif précis.
Faire une tâche à la fois, au lieu de s’éparpiller dans le multitâche.
Respirer profondément avant de répondre à quelqu’un qui nous agace.
Remarquer ce qui est beau dans l’instant : un rayon de lumière, un sourire, un silence
Apprendre à ralentir, y compris au travail
C’est en reprenant possession de notre rythme, en refusant de céder à l’urgence fabriquée, qu’on peut retrouver de la douceur dans nos relations et de la place pour la bienveillance.
Réenchanter le collectif : et si on décidait d’être gentils ensemble ?
La bienveillance n’est pas qu’une affaire individuelle. Elle est contagieuse. Elle est comme une petite flamme que l’on peut allumer chez l’autre, un geste après l’autre, une parole après l’autre.
Imagine un monde où, au lieu de se méfier de tous, on décidait de faire confiance par défaut. Où les regards dans la rue seraient bienveillants, où un simple "bonjour" deviendrait un pont au lieu d’une formalité. Où l’on prendrait le temps d’aider quelqu’un à ramasser ses affaires tombées, d’écouter un collègue qui se sent dépassé, de remercier sincèrement un inconnu qui nous a tendu la main.
Nous pouvons tous être des déclencheurs de douceur.Ce n’est pas utopique : c’est un choix, un acte de micro-rébellion contre la dureté ambiante. Et ces choix répétés, jour après jour, finissent par tisser une trame collective, une culture alternative, plus humaine, plus sensible.
En tant qu’hypnothérapeute, tu as ce rôle privilégié : celui de guider, d’éveiller, d’ouvrir des portes dans l’esprit des autres. Mais chacun de nous, à sa mesure, peut semer des graines de gentillesse, simplement en choisissant d’être ce qu’on voudrait voir dans le monde.
Nous ne sommes pas impuissants face à la dureté : nous pouvons être des bâtisseurs silencieux d’un monde plus doux.
Conclusion
Rester bienveillant dans une société qui valorise la dureté, ce n’est pas un acte de naïveté mais un acte de courage.
C’est choisir, encore et encore, de tendre la main plutôt que de frapper. C’est refuser de devenir cynique, même quand la vie semble nous y pousser. C’est accepter que la gentillesse puisse être parfois mal comprise, parfois exploitée… mais c’est ne jamais cesser d’y croire.
La dureté abîme, divise, isole. La bienveillance, elle, répare, rassemble, apaise. Et même si l’on ne peut pas changer le monde entier d’un coup, chaque petit geste compte, chaque sourire sincère, chaque mot apaisant, chaque regard plein de compassion est une pierre posée sur le chemin d’un monde plus humain.
Alors, choisis la gentillesse, non pas parce que c’est facile, mais parce que c’est ce qui te ressemble, ce qui te rend vivant, ce qui fait de toi un être profondément humain.
Dans un monde qui court trop vite, sois celui qui ralentit pour écouter.Dans un monde qui crie, sois celui qui parle avec douceur.Dans un monde qui juge, sois celui qui comprend. Dans un monde qui écrase, sois celui qui tend la main.
Car, au fond, ce qui restera de nous, ce ne seront ni nos performances, ni nos succès… mais la trace de notre humanité.
Mylène Martin
Hypnothérapeute à Quimper
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