Endométriose, adénomyose, SOPK, SDPM et les oubliées de la médecine
- mylenemartinhypno
- 23 juin
- 9 min de lecture
Elles sont des millions. Des millions à vivre chaque jour avec des douleurs gynécologiques qui ne disent pas leur nom. Des douleurs cycliques, continues, lancinantes, invalidantes, que l’on balaie d’un haussement d’épaule ou d’un “c’est normal, c’est hormonal”. Des douleurs qui tordent le corps, qui déchirent la vie intime, qui brisent parfois le désir d’enfant, et que la médecine contemporaine, pourtant si avancée, continue trop souvent à minimiser, à mal diagnostiquer, voire à ignorer.
Endométriose, adénomyose, SOPK, vulvodynie, vaginisme, douleurs post-partum, syndrome dysphorique prémenstruel … des mots encore trop flous dans le langage médical courant, quand ils ne sont pas simplement renvoyés à la case “psychologique”. Des femmes errent, pendant des années parfois, avant qu’un diagnostic ne mette des mots sur l’indicible. Et même là, le chemin reste semé d’incompréhensions, d’approximations, de traitements insatisfaisants.
Cet article se propose d’explorer à la fois la réalité médicale de ces douleurs féminines, l’histoire patriarcale de la gynécologie, et les possibles voies de soin et d’espoir, car la douleur ne doit jamais être un destin... encore moins pour une moitié de l’humanité.

Les maladies de l’ombre : comprendre l’invisible
L’endométriose : quand le corps déborde de lui-même
L’endométriose est une maladie inflammatoire chronique dans laquelle du tissu semblable à celui de la muqueuse utérine (l'endomètre) se développe en dehors de l’utérus : sur les ovaires, le rectum, la vessie, le diaphragme, voire les poumons dans de rares cas.
Ce tissu suit le cycle hormonal : il saigne à chaque menstruation… mais sans pouvoir s’évacuer. Résultat : inflammations, lésions, adhérences, kystes, douleurs aiguës, très aiguës, invalidantes. Pourtant, il faut en moyenne 7 à 10 ans pour qu’un diagnostic soit posé.
Les symptômes varient d’une femme à l’autre, mais incluent :
Douleurs pelviennes intenses (pendant les règles, mais parfois aussi en dehors),
Douleurs pendant les rapports sexuels,
Troubles digestifs ou urinaires,
Fatigue chronique,
Infertilité.
Et pourtant… encore aujourd’hui, certaines femmes entendent que leurs douleurs sont “psychosomatiques” ou qu’elles “exagèrent”. L’endométriose est bien réelle et elle mérite qu’on la reconnaisse pour ce qu’elle est : une maladie systémique aux effets physiques, psychiques et sociaux majeurs.
L’adénomyose : l’invisible dans la chair
Souvent confondue avec sa “cousine” endométriose, l’adénomyose est une pathologie différente : ici, c’est l’endomètre qui s’infiltre à l’intérieur même du muscle utérin (le myomètre). Cela provoque un utérus épaissi, parfois élargi, douloureux, rigide.
Longtemps considérée comme une maladie de la femme en fin de parcours gynécologique, elle touche en réalité des femmes dès la trentaine, parfois plus jeunes.
Elle provoque :
Des règles très abondantes (ménorragies),
Des douleurs pelviennes diffuses,
Des sensations de “poids” dans le bas-ventre,
Une fatigue liée aux pertes de sang importantes.
L’adénomyose est moins médiatisée, moins bien connue, et surtout encore très difficile à diagnostiquer, car les examens d’imagerie standards la détectent mal. Une IRM spécialisée est souvent nécessaire.
Le SOPK : chaos hormonal et mal-être invisible
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est une maladie hormonale chronique affectant environ 1 femme sur 10. Il ne s’agit pas réellement de “kystes” comme le suggère le nom, mais de nombreux follicules non libérés qui s’accumulent dans les ovaires.
Les symptômes sont nombreux et peuvent se combiner :
Règles irrégulières voire absentes,
Acné persistante, chute de cheveux, hirsutisme,
Prise de poids difficile à contrôler,
Troubles métaboliques (résistance à l’insuline),
Fatigue chronique, douleurs abdominales diffuses,
Infertilité.
Mais ce qui fait le plus mal, c’est parfois la manière dont ces femmes sont traitées : “Perdez du poids”, “prenez la pilule”, “ce n’est pas si grave”… comme si le corps et l’esprit n’étaient pas touchés en profondeur. Le SOPK peut pourtant avoir un retentissement émotionnel considérable, souvent ignoré.
Le trouble dysphorique prémenstruel : quand le cycle devient tempête intérieure
Encore plus méconnu, le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) est une forme extrêmement intense et pathologique du syndrome prémenstruel. Il touche environ 3 à 8 % des femmes en âge de procréer, et provoque, chaque mois, une détresse psychique profonde : irritabilité extrême, crises de colère, idées noires, anxiété aiguë, troubles du sommeil, isolement, voire symptômes dépressifs sévères, juste avant les règles.
Et pourtant, on le banalise. On le renvoie souvent à un simple "coup de mou hormonal", ou pire, à un stéréotype misogyne : “Elle a ses règles, elle est folle”.
Mais le TDPM est une souffrance cyclique et réelle, qui peut littéralement transformer la perception de soi pendant plusieurs jours chaque mois. Beaucoup de femmes disent “ne plus se reconnaître” dans leur propre corps ou comportement.
Le TDPM mérite une écoute, un diagnostic précis, et des stratégies thérapeutiques adaptées (approches hormonales, alimentation, soutien émotionnel, hypnose, etc.). Ce n’est ni une fatalité, ni une exagération. C’est un appel à l’attention et à la reconnaissance.
Vulvodynie, vaginisme, douleurs post-partum : les douleurs intimes négligées
Certaines douleurs ne sont pas continues, mais surgissent dans l’intimité : au moment du rapport sexuel, de l’examen gynéco, ou même sans cause apparente.
La vulvodynie : douleurs chroniques de la vulve (brûlures, picotements) sans lésion visible. Parfois ressentie comme une agression permanente du tissu nerveux.
Le vaginisme : contraction involontaire des muscles du vagin, rendant la pénétration douloureuse ou impossible. Il est souvent mal compris et psychologisé trop rapidement.
Les douleurs post-partum : déchirures, cicatrices mal cicatrisées, douleurs pelviennes persistantes… souvent tues, considérées comme “le prix à payer” de la maternité.
Dans tous ces cas, les femmes se heurtent à l’incompréhension, à la honte, à la solitude. Pourtant, la douleur n’est jamais normale. Elle est un signal du corps, un langage. La nier, c’est nier l’être.
Une médecine façonnée par une histoire sexiste
Aux origines du contrôle : la gynécologie comme outil de domination
Ce que l’on appelle aujourd’hui « gynécologie » n’est pas né de l’empathie, mais du pouvoir. Historiquement, cette branche de la médecine ne s’est pas construite pour soulager la douleur des femmes… mais pour maîtriser leur corps reproducteur.
L’un des pères de la gynécologie moderne, J. Marion Sims, a mené au XIXe siècle des expérimentations chirurgicales sur des femmes esclaves, sans anesthésie. Leur souffrance n’a jamais été considérée comme digne d’attention. Cette fondation violente est encore trop rarement évoquée, et pourtant elle a façonné une culture médicale paternaliste, où l’on examine, juge, décide pour les femmes, plutôt que de les accompagner.
Le mot "hystérie", quant à lui, vient du grec hystera (utérus) : la folie des femmes aurait été liée à leur utérus "errant". Ce concept a servi, pendant des siècles, à décrédibiliser leur parole, à "psychiatriser" leurs douleurs et à réduire leur souffrance à une exagération émotionnelle.
Ce fond historique misogyne n’est pas une vieille histoire enterrée. Il continue de hanter les cabinets médicaux, parfois sans même que les praticiens en aient conscience.
Les stéréotypes toujours en vie : douleur banalisée, femmes psychologisées
Encore aujourd’hui, trop de femmes entendent :
“C’est normal d’avoir mal pendant ses règles.”
“Vous êtes trop sensible.”
“C’est sûrement dans votre tête.”
“C’est le stress.”
Ces phrases, anodines en apparence, laissent des cicatrices profondes. Elles génèrent de la honte, du doute, une déconnexion au corps. Pire encore : elles retardent les diagnostics, parfois de plusieurs années, et entretiennent l’errance médicale.
La douleur féminine reste moins bien évaluée, moins bien prise en charge et moins bien soulagée que celle des hommes. Les recherches montrent que les femmes reçoivent moins d’antalgiques, et plus souvent des anxiolytiques. Comme si l’émotion comptait plus que la réalité organique.
Gynécologues vs sages-femmes : deux visions de la femme
Il existe une confusion tenace : on pense que les gynécologues sont les seuls spécialistes de la santé des femmes. C’est inexact.
Un·e gynécologue est un·e médecin spécialisé·e dans les pathologies de l’appareil reproducteur féminin (utérus, ovaires, seins…). La formation est centrée sur la chirurgie, la fertilité, le cancer, les urgences. Le regard est médical, technique, souvent focalisé sur l’organe.
Une sage-femme, en revanche, est une professionnelle de santé spécialisée dans l’accompagnement global de la femme tout au long de sa vie hormonale : puberté, contraception, grossesse, accouchement, post-partum, ménopause. Elle est formée à l’écoute, à la prévention, à la physiologie autant qu’à la pathologie.
En pratique, les sages-femmes sont souvent plus disponibles, plus formées à l’accompagnement holistique, et moins enclines à minimiser les douleurs. Leur rôle est encore trop méconnu, pourtant dans bien des cas, ce sont elles qui offrent un espace de soin plus respectueux, plus humain.
Il ne s’agit pas d’opposer, mais de remettre en question une hiérarchie injuste qui invisibilise des compétences pourtant précieuses.
Une médecine à repenser pour toutes les femmes
Former autrement : comprendre les corps féminins au lieu de les nier
Aujourd’hui encore, les pathologies féminines chroniques sont peu ou mal enseignées dans les études médicales. L’endométriose, par exemple, ne fait souvent l’objet que de quelques heures dans tout un cursus.
Les douleurs menstruelles ou gynécologiques sont rarement étudiées en profondeur. Quant aux biais de genre dans la médecine, ils sont presque absents des programmes. Il est temps de repenser la formation des soignant·es : mieux comprendre les spécificités hormonales, mieux évaluer la douleur, mieux écouter les patientes.
Croire les femmes : un acte médical fondamental
Un diagnostic commence par une chose simple : écouter et croire. Cela paraît évident, et pourtant…
La parole des femmes est encore trop souvent disqualifiée. Pourtant, elles connaissent leur corps, elles sentent quand quelque chose ne va pas. Ignorer leur ressenti, c’est les condamner à l’errance, à l’épuisement, à la douleur évitable.
Croire, ce n’est pas céder à un caprice, c’est reconnaître que l’autre est un être sentient, crédible, légitime dans son vécu.
Vers une médecine intégrative, sensible, et humaine
L’avenir de la gynécologie ne doit pas être technocratique. Il doit être intégratif, pluridisciplinaire, et respectueux. Cela implique :
De créer des parcours de soin coordonnés entre médecins, sages-femmes, psychologues, ostéopathes…
De sortir d’une vision purement biomédicale pour intégrer les dimensions émotionnelles, sociales, sensorielles de la santé.
De remettre l’humain au centre, pas uniquement l’organe.
La douleur féminine ne disparaîtra pas dans un algorithme ou un protocole standardisé. Elle s’apaise d’abord quand elle est reconnue.
Apaiser, soulager, accompagner : des pistes vers le mieux-être

Face à des douleurs souvent invisibles, parfois inexplicables, et trop souvent incomprises, il est urgent d’ouvrir le champ des possibles. Il n’existe pas de solution universelle, mais des voies multiples peuvent permettre aux femmes de retrouver du pouvoir sur leur corps, leur santé et leur dignité.
L’approche pluridisciplinaire : sortir de l’isolement médical
Aucune profession ne détient à elle seule les clés du soulagement, et c’est tant mieux.Aujourd’hui, des parcours de soin efficaces s’appuient sur une synergie d’expertises, dans laquelle chaque professionnel·le a un rôle complémentaire à jouer :
Le·la gynécologue pour le diagnostic médical et les traitements spécifiques,
La sage-femme pour l’accompagnement global et hormonal,
Le·la kinésithérapeute ou ostéopathe pour les douleurs pelviennes,
Le·la psychologue pour les répercussions émotionnelles,
Le·la naturopathe, diététicien·ne pour agir sur l’inflammation via l’alimentation.
Cette vision intégrative permet une prise en charge plus humaine, plus respectueuse, plus efficace, et surtout moins centrée sur l’urgence ou le symptôme isolé.
Les thérapies complémentaires : restaurer le lien au corps
Quand la douleur devient chronique, elle altère le lien que l’on entretient avec son propre corps. On le fuit, on le redoute, on le dissocie.Les approches psycho-corporelles offrent un espace où le corps redevient un allié, un messager, plutôt qu’un ennemi.
Parmi elles :
L’hypnose, douce et puissante, permet de modifier la perception de la douleur, de réconcilier la personne avec ses sensations, de pacifier les tensions somatiques et émotionnelles. Elle ouvre un espace de réparation intérieure, sans nier la réalité physique, mais en la modulant.
La sophrologie, la méditation, la cohérence cardiaque : elles aident à retrouver un rythme, une respiration, une présence apaisée.
L’acupuncture, la réflexologie, la fasciathérapie : elles agissent sur les circuits énergétiques et nerveux pour soulager sans effets secondaires.
L’aromathérapie et la phytothérapie, bien encadrées, peuvent aussi accompagner les cycles douloureux et les troubles hormonaux.
Réintégrer la dimension émotionnelle et relationnelle
La douleur n’est pas qu’un signal nerveux. Elle est aussi un vécu intime, existentiel, parfois identitaire. Elle peut provoquer :
De l’isolement,
De la culpabilité,
Une perte d’estime de soi,
Une fracture dans la vie sexuelle et amoureuse.
Une dépression
C’est pourquoi il est essentiel de valider émotionnellement ce que vivent les femmes. Les groupes de parole, les cercles de femmes, les espaces de soutien thérapeutique permettent souvent de faire tomber les murs du silence.
Se sentir entendue, comprise, crue, peut transformer le rapport à la douleur autant, parfois plus, qu’un traitement pharmacologique.
CONCLUSION — Croire les femmes, enfin.
Pendant des siècles, on a appris aux femmes à souffrir en silence, à ne pas faire de vagues, à supporter l’insupportable, au nom de leur nature, de leur cycle, de leur maternité.
Aujourd’hui, il est temps de dire stop.
Stop à la banalisation de la douleur. Stop à l’errance diagnostique. Stop au soupçon systématique porté sur la parole féminine.
Reconnaître les douleurs gynécologiques pour ce qu’elles sont — réelles, complexes, légitimes — c’est faire un pas vers une médecine plus juste. Une médecine qui écoute, qui croit, qui accompagne.Une médecine qui soigne, sans juger.
Car chaque femme a le droit de comprendre son corps.Chaque femme a le droit d’être soulagée, respectée, réparée.
Et surtout…Chaque femme a le droit d’être crue quand elle dit : “j’ai mal.”
Mylène Martin
Hypnothérapeute à Quimper
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